vendredi 20 novembre 2020 à 16h

TDoR - Maraude-manif' pour la mémoire trans*

Depuis 1998, le TDoR est un jour de commémoration rassemblant dans le monde entier des personnes trans* pour dénoncer les crimes et violences que la société cissexiste, patriarcale, raciste et capitaliste nous inflige. C'est aussi l'occasion de célébrer les personnes victimes de ces abjections et de se replonger dans l'histoire des luttes contre ces violences. De nombreu'ses'x artistes, collectifs, associations et autres structures concernées, permettent ce travail mémoriel.

À Strasbourg, le TDoR est habituellement un jour de protestation organisé notamment par STS (Support Transgenre Strasbourg), qui invite à un rituel public constitué d'une lecture d'un communiqué, à l'inscription de 10 noms de personnes trans* assassiné'e's dans l'année, à un die-in où certain'e's portent des masques blancs pour commémorer également les mort'e's anonymes. Cette année, à cause du confinement, le happening est reporté.

Mémoire des crimes et des injustices transphobes

Il est important de rappeler que les crimes et violences ou injustices transphobes sont souvent à l'intersection des oppressions de genre, de race et de classe.

Cissexistes / hétéronormatives : violences (physiques, psychiques, symboliques, etc.) et injustices que les personnes transphobes et la société héténormative (hommes/femmes prétenduement "normales" : cisgenres et hétérosexuelles) inflige aux personnes déviantes du genre et de l'hétérosexualité. Évidemment, la plupart sont impunies sinon véhiculées voire encouragées par les États, leurs forces de l'ordre et administrations. Elles vont des plus quotidiennes (nier ou ignorer l'existence des transidentités) aux plus macabres (meurtres), en passant par les plus cliniques (psychiatriques, chirurgicales, etc.).

Sexistes / patriarcales : les hommes cisgenres profitent de l'exploitation et de la division des femmes et minorités de genre pour entretenir leurs privilèges (espaces, temps, argent, pouvoir, etc.). Dans les sociétés patriarcales, les personnes trans* sont au mieux ignorées ou méprisées par le patriarcat, au pire, tuées ET ignorées ou méprisées.

Racistes / (post/néo)coloniales : l'histoire impérialiste et suprémaciste des États occidentaux est à l'origine de rapports de forces complexes (militaires, sociaux, économiques, culturels...) qui entretiennent la marginalité des personnes non-blanches. Pour les personnes trans* racisées, la survie dans une société transphobe et raciste est encore plus difficile, ce qui démultiplie l'exposition à tous les risques (sociaux, sanitaires, policiers, etc.).

Capitalistes : le capitalisme exploite tout ce qu'il peut, y compris le sexisme et le racisme, pour gagner toujours plus. Les classes dominantes n'ont jamais voulu des trans* que pour les fétichiser : pour assouvir leur curiosité et leurs fantasmes érotiques et sexuels. Ils aiment exploiter l'image et le corps des trans* par le spectacle et la prostitution, mais puisque la morale bourgeoise (la famille hétéropatriarcale propre sur elle) réprouve les écarts à sa norme, ils adoptent des lois pour criminaliser le travail du sexe et ainsi mieux l'invisibiliser. La "visibilité" dans les grands médias et la "respectabilité" sont tronquées (stéréotypes, injonctions normatives) et surtout néglige la masse populaire des personnes trans*.

Validistes : notre société normative ne prend pas en compte les écarts à la norme tant que ça ne lui retombe pas dessus, ce qui signifie de nombreux handicaps selon les situations personnelles. Les trans* dérangent, sont mis au ban des familles et des espaces cisnormatifs, et leurs problématiques sont taboues, ce qui fait souvent des transidentités un handicap dans la vie quotidienne. Mais d'autres handicaps peuvent s'y additionner et encore enfoncer le clou. Les administrations, le corps médical, les associations, les écoles, les commerces... Tout le monde devrait pouvoir être accueilli, partout et sans condition ni mépris.

Mais de fait, la plupart des personnes trans* assassinées sont les personnes dont les vies sont les moins considérées par ce monde de merde : femmes, racisé'e's, prolétaires, gros'ses, malvoyant'e's...

Mémoire de nos luttes

Chaque année, une liste non-exhaustive des personnes trans* assassiné'e's dans le monde est publiée par TvT (Transrespect vs. Transphobia, qui regroupe des données remontées). Cette année dans le monde, 350 personnes y figurent. Elle ne mentionne pas les suicides, que l'ont peut pourtant considérer comme des crimes du fait de la transphobie que l'on vit au quotidien et à tant d'endroits.

Les identités trans* (transsexués, transgenres, intersexes, non-binaires, non-conformes, agenres, etc.) sont nombreuses et ont sans doute existé de tous temps, bien que souvent invisibilisées, même si certaines civilisations ont (eu) le bon sens de les célébrer de leur vivant. Quoi qu'il en soit, notre reconnaissance pleine et entière, notre place dans la société doit avant tout à nos luttes et à notre combativité à chaque époque. L'histoire de ces luttes est infinie et, en conséquence de l'intersection des oppressions soulevées par les crimes transphobes, déborde de la "simple" lutte contre le cissexisme. Ces luttes doivent puiser dans l'histoire pour mieux nourrir la notre.

Queer / Transféministes : nous montrer en tant que déviant'e's/non-conformes, entre trans*, gouines, pédés, et envoyer chier les injonctions à rentrer dans la matrice binaire de ce monde en feu. Construire des espaces d'autonomie, par et pour nous ; nous soutenir entre nous, nous conseiller, nous organiser ; entretenir la mémoire de nos luttes et celles de nos adelphes assassiné'e's ; propager notre parole, nos expériences, nos vécus, afin que nos adelphes puissent nous trouver. Et sait-on jamais, que nos familles puissent comprendre leurs violences.

Féministes / Antipatriarcales : nous avons toujours été présent'e's dans les luttes féministes pour en finir avec le patriarcat, quoi qu'en disent ou en pensent les TERF (féministes transphobes). Que nous ayons été assignées femmes ou homme à la naissance, nous refusons l'ordre dominant qui exploite les femmes sous des prétextes naturalisants. Tout le monde devrait pouvoir accéder aux savoirs, au matériel, aux espaces, aux activités que nous souhaitons et tout ce qui n'est accessible qu'aux plus privilégiés devrait être aboli si c'est pour chier sur l'environnement.

Antiracistes / Décoloniales : il y a des trans* dans le monde entier, dans toutes les ethnies, les religions, les cultures, dans toutes les sociétés et la transphobie, la binarité de genre ont beaucoup été propagés par la colonisation pour normaliser les corps et l'administration des humains. Nous devons combattre le racisme systémique, le colonialisme, pour mieux nous retrouver en solidarité et partager les bénéfices de nos privilèges, les risques de nos oppressions, pour mieux les combattre au-delà des frontières et dans nos villes. La plupart des trans* assassiné'e's sont racisé'e's donc nous devons nous soutenir en mixité à condition de toujours chercher à se défaire de nos biais et impensés racistes.

Anticapitalistes : le travail du sexe est une manière de redistribuer les richesses en compensation de l'exploitation du corps des femmes, en attendant la chute de la bourgeoisie et des empires capitalistes. Nous exigeons la liberté d'autogestion du travail du sexe pour que tout le monde puisse le pratiquer ; nous fuyons le salariat, pour construire d'autres modes de vie, en général. Le monde capitaliste est en bout de course, toute la société est à repenser hors du marché global et de ses infrastructures virtuelles comme réelles. Nous sommes

Handi : la diversité des particularités est gigantesque et est une beauté trop souvent négligée par flemme, mais la solidarité prend aussi en compte nos handicaps, car tout le monde est légitime !

Au-delà de tout ça, les transidentités remettent en questions les injonctions aux normes en tous genres. Les autres espèces vivantes doivent aussi être prises en compte pour nous sortir de l'anthropocentrisme ambiant. La société cisgenre ferait mieux de considérer la critique du socle de nos sociétés mortifères que nous offrons, nous, trans* et autres "marginaleaux". C'est à la portée de tout le monde de s'instruire, de s'organiser pour entretenir sa bulle de solidarité, d'amour et de résistance !

SOLIDARITÉ - AMOUR - RÉSISTANCE